Media-training de crise : un mot et tout est perdu, un mot et tout est sauvé !

Photo de Caleb Oquendo
En cas de crise, les dirigeants font souvent appel au media-trainer comme à une ambulance. L’intégration de l’interview de crise devrait être cependant systématique dans les cellules de simulation de gestion de crise. Quand les journalistes se font plus virulents et empressés d’obtenir de l’info, les communicants doivent ciseler leur discours et maîtriser leurs attitudes devant les médias audiovisuels*. Rappel de quelques règles pratiques.
Un plan social à annoncer, une catastrophe écologique à gérer, la peste aviaire, l’explosion d’une usine, des produits retirés d’urgence de la distribution, une affaire de santé publique type amiante … L’actualité ne manque pas d’acteurs sommés de s’expliquer devant les caméras et sur les radios, ni de journalistes en quête de vérités à faire cracher. La communication en situation sensible exacerbe toutes les règles habituelles de prise de parole et renforce l’acuité du média et de l’opinion publique qui vont tenter de décoder dans les prestations médiatiques le moindre gravillon. Et quand le doute s’insinue…
L’objet d’un accompagnement de type « coaching média », en situation de crise, consiste à dérouler une procédure proactive et réactive vis-à-vis des médias, d’un type semblable aux autres procédures mises en œuvre avec les autres parties prenantes de la crise.
Être efficace dans une prise de parole ne se décrète pas. Il est nécessaire de simuler la prestation dans les conditions du direct et de travailler en amont la relation avec le journaliste pour savoir : comment il travaille, quelles sont ses attentes, ce qu’il veut démontrer, en combien de temps… Tout en s’évertuant à déjouer les pièges de l’entretien : comportements, expressions et mots à éviter, raisonnements spécieux à écarter, manque de clarté ou de cohérence du propos, commentaires, réponses à côté de la plaque, trop longues ou trop courtes etc. Enfin, il faut savoir résister à l’entretien sous pression et savoir adapter son message au format médiatique et au support. L’émotion ne se transmet pas de la même façon sur un plateau télé ou sur l’antenne d’une radio. Dans un cas, c’est l’attitude non verbale, le langage du corps, que va retenir le téléspectateur, dans l’autre, ce sont les évocations de la voix qui vont conduire ou non à accorder la confiance. Une bonne préparation requiert donc beaucoup d’entraînement, un décorticage du contenu et de la façon de le transmettre et un « filage » comme au théâtre pour s’assurer que l’ensemble du rôle est tenu et les réflexes en place.
Les cinq règles à respecter dans l’interview de crise :
- Marquer son émotion et montrer qu’on la gère : éviter l’affolement ne signifie pas effacer toute trace de sa propre compassion. Lors d’une catastrophe aérienne en Afrique avec de nombreux Français à bord, c’est un secrétaire d’État aux Affaires étrangères, médecin, qui a su trouver les mots et le ton justes pour montrer sa douleur mais aussi rassurer l’opinion et réconforter les familles.
- Être en congruence avec l’événement : un ministre de la santé en polo dans son jardin au Journal de 13 heures à mille lieux de s’alarmer, en pleine canicule en France, cela fait mauvaise figure. D’où la nécessité pour les communicants de faire converger les faisceaux qui concourent à créer de la conviction : environnement immédiat, look, regard, gestuelle, voix, corps, intention, tous les clignotants doivent être au vert et millimétrés aux petits oignons.
- Rassurer sur les dispositions d’urgence : une seringue usagée trouvée dans un œuf surprise en chocolat, des bulles douteuses dans une boisson gazéifiée, de la viande à l’origine mal identifiée en pleine crise de la « vache folle » … Et c’est la panique assurée dans les foyers. Il faut monter au créneau vite et sans fébrilité car les effets peuvent être dévastateurs pour une marque ou une enseigne.
- Savoir dire : « Un mot et tout est perdu, un mot et tout est sauvé. », disait André Breton. Quand un directeur du Festival d’Avignon laisse des intermittents envahir une scène en début de représentation, les laisse parler, puis prend la parole en disant « Vous vous êtes exprimés. À présent, place aux artistes ! » L’effet n’est pas heureux…
- Se mettre en scène : À ce stade de l’interview de crise, les techniques de comédien sont utiles. Quelques politiques savent mieux les utiliser qu’on ne le croit, en ayant toutefois du mal à se départir de la caricature. Tout le monde ne peut avoir l’étoffe d’un Jaurès haranguant les foules, ou d’un De Gaulle qui fait encore la joie des journalistes pour ses expressions à l’emporte-pièce. Là encore il ne s’agit pas d’apprendre à travestir ou à triturer la réalité, mais plutôt de savoir comment faire l’apprentissage de l’art de convaincre en acquérant une véritable aisance. Avec le souci extrême de ne pas greffer des standards à sa façon de communiquer et de conserver spontanéité, authenticité et assurance. Car, comme le disait Talleyrand, « on ne croit qu’en ceux qui croient en eux. »
*Source : Stephen Bunard, Synergologue